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46èmes assises nationales du CNAEMO : « SEX’PLOITATION – Mineurs en danger »
Date : 1, 2 et 3 avril 2026
Lieu : CEPAC Silo, Marseille
La prostitution des mineurs, autrement dit l’exploitation sexuelle des enfants et adolescents, est un phénomène observé depuis de nombreuses années par les professionnels de la protection de l’enfance. Or, il a pendant longtemps été rarement nommé et qualifié. Toutefois, face à l’augmentation du nombre de mineurs concernés, au rajeunissement de ces jeunes, aux alertes des professionnels de terrain, des Magistrats, des Forces de l’ordre, etc. Le secrétaire d’État à l’Enfance et aux Familles, Adrien TAQUET a lancé un groupe de travail pluridisciplinaire piloté par la DGDCS et la DGPJJ. Un rapport a été rendu le 13 juillet 2021 et un plan de lutte national a été annoncé le 15 novembre 2021. En France, on estime entre 7 000 et 10 000 le nombre de mineurs exploités sexuellement. Les adolescents dont nous parlons sont en grande majorité des jeunes filles (proportion française 9 filles pour 1 garçon) issus de toutes catégories sociales, des jeunes ayant souvent vécu des ruptures ou des traumatismes.
La prostitution n’est généralement pas perçue comme telle par ces adolescents, voire préadolescents qui estiment tirer des bénéfices de leurs pratiques (matériels, financiers ou en nature). Ces mises en danger peuvent aussi souvent s’avérer être des réponses à des traumatismes, à travers lesquelles, dans une dynamique de survie, les jeunes cherchent à être dissociés afin de ne pas être connectés et en confrontation directe avec leurs traumatismes antérieurs. Pour certains adolescents, les pratiques prostitutionnelles leur attribuent un statut et
viennent combler des carences affectives.
Les professionnels peuvent être en difficulté pour repérer le phénomène, n’ayant pas forcément les codes ou étant confrontés à des mécanismes de défense personnelle qui obscurcissent la vision de ce phénomène. De même, les attitudes de certains adolescents qui vont même jusqu’à revendiquer leurs pratiques, peuvent dérouter les professionnels et compromettre leur regard sur la réalité de leur situation : même dans cette posture de banalisation/normalisation, cet enfant est victime d’exploitation sexuelle. En effet, la loi du 04 mars 2002 ne fait pas de débat autour de cette question : « La prostitution des mineurs est interdite sur tout le territoire de la République » (article 13.I). « Tout mineur qui se livre à la prostitution, même occasionnellement, est réputé en danger et relève de la protection du juge des enfants au titre de la procédure d’assistance
éducative » (article 13.II). La loi de protection de l’enfance du 07 février 2022, rappelle que ces enfants sont en danger. Ces jeunes bien souvent en situation d’errance, de rupture familiale et institutionnelle amènent les professionnels à requestionner leurs pratiques : La protection de ces enfants doit-elle impérativement passer par le placement en institution systématique ? La mobilité des jeunes n’amène-t-elle pas à repenser les dimensions de territorialisation autour des prises en charge ?
Les professionnels accompagnant ces jeunes évoquent régulièrement avoir été violemment bousculés dans leurs valeurs et leur manière de penser la protection de l’enfance. Cependant, qu’en est-il du quotidien des jeunes ?
Les jeunes dont nous parlons font face à une marchandisation de leur corps, avec toutes les conséquences physiques et psychiques qui vont avec. Exposés à des violences en tous genres, leur estime et confiance en eux en ressort totalement détériorées. Pour survivre à cette réalité prostitutionnelle, ces enfants ont souvent recours à diverses consommations, des automutilations, des mises en danger toujours plus extrêmes. Leur quotidien est souvent marqué par des ruptures familiales et institutionnelles, anciennes ou contextuelles du fait de la situation prostitutionnelle. Ces jeunes, qui ont ainsi le sentiment d’être livrés à eux-mêmes, de ne pas être
compris ou entendus par les adultes qui sont censés les protéger, sont alors dans une situation de vulnérabilité accrue. Il apparaît essentiel de les raccrocher à des espaces ressources.
Toutefois, comment constituer un tel espace pour un jeune exploité sexuellement ?
Sur différents territoires en France, des initiatives ont émergé au cours des dernières années, allant de dispositif d’aller-vers visant à remettre du lien avec les jeunes concernés, à des dispositifs de prise en charge globales hybrides, alliant milieu ouvert, réduction des risques et mise à l’abri. Ces offres d’accompagnements ne sont néanmoins pas développées sur l’ensemble des Départements de France. Le cheminement, la conscientisation du phénomène sont eux-mêmes hétérogènes, certains territoires étant en phase de maturation autour de ces
questions, alors que d’autres se montrent proactifs.
Cette problématique vient également interroger un modèle sociétal complexe, dans lequel viennent s’entrechoquer exposition précoce à la pornographie, mésusage du numérique et des réseaux sociaux, banalisation du rapport au corps et à la sexualité. L’ensemble de ces éléments s’inscrit dans un contexte où des études attestent d’une dégradation importante de la santé mentale des adolescents.
Le CNAEMO se doit donc, lors de ses assises à Marseille, d’explorer cette thématique complexe, en apportant des clés de lecture, en identifiant les pratiques existantes pour ouvrir des espaces d’intervention possibles.



